Installation des jeunes médecins : coercition ou incitation ?
C’est la question piège, celle de tous les clivages.
Une réponse fermée sur un des choix est réductrice et n’a pas de sens.
Parler d’incitation financière pour attirer dans des zones rurales des professionnels revient à légitimer les revendications corporatistes de médecins libéraux qui veulent des droits en refusant tout devoir vis-à-vis de la société.
Parler de coercition fait se dresser l’épouvantail d’une médecine organisée par un Etat autoritaire sans choix pour les praticiens ni pour les patients et sans garantie sur les conditions d’exercice ni la qualité des soins.
La question a jusqu’à présent été posée en ces termes par des gouvernements qui ont mené une politique responsable de ces problèmes de démographie médicale :
Concentration des étudiants en médecine dans les grands centres urbains : formation dans les grands centres hospitaliers et concours axés vers le choix prioritaire de spécialités autre que la médecine générale.
Mauvaise répartition des installations de professionnels de santé selon l’idéologie que la loi de l’offre et de la demande suffit à réguler la démographie ; or les médecins peuvent arriver à gagner leur vie dans une zone à démographie forte, car l’activité libérale leur permet un certain nombre de pratiques profitables : multiplication des actes, dépassements d’honoraires en secteur 2…
Disparition des hôpitaux de proximité, laissant des régions sinistrées, avec de longs trajets à effectuer pour les patients, et un réseau de correspondants limité pour les professionnels.
Perte d’attractivité des zones rurales et de certaines zones urbaines avec la fermeture de la Poste et de l’école du village, la mise en place de centres commerciaux aux dépends de l’épicerie de village et l’abandon des banlieues en zones ghettos avec le départ des commerces et services.
Démantèlement économique des zones rurales et de certaines banlieues en ayant laissé faire les délocalisations et les fermetures d’entreprises et en n’ayant mené aucune politique de lutte contre les inégalités.
Il faut faire d’autres choix politiques et sortir du questionnement stérile entre coercition et incitation en créant dès maintenant un secteur de santé publique de proximité :
Les droits à l’éducation, au logement, à la santé relèvent des fonctions de l’Etat et des collectivités locales. Dans chacun de ces domaines, il faut recenser les besoins de la population et développer un véritable secteur public de proximité à la disposition des usagers dans lequel les professionnels auront des droits et des devoirs.
Les soignants doivent exercer dans les lieux où leur présence est nécessaire et ils doivent bénéficier des moyens nécessaires à une qualité de travail et de soins :
L’exercice doit se faire dans un cadre collectif et pluridisciplinaire avec du temps pour la concertation, la formation et l’enseignement.
Les revenus des soignants doivent y être fixés à même hauteur que celui des hospitaliers, avec la mise en place de nouveaux modes de rémunération : salariat, forfait, capitation.
L’accès aux soins doit y être garanti : pas de dépassements d’honoraires, pratique de tiers-payant.
Une approche globale de qualité doit y être facilitée par le travail en pluridisciplinarité, la collaboration entre le médical et le social et celle entre les différents lieux de soins ambulatoires et hospitaliers, dont l’accessibilité doit être rétablie.
L’indépendance vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique et des autres lobbies financiers (assurances…) doit y être assurée.
Mobilisons nous pour la création d’un secteur de santé publique de proximité qui ne pourra exister sans une autre politique d’aménagement du territoire et de lutte contre les inégalités.
SMG