Il ne se passe pas un jour sans que Sarkozy, Fillon ou l’un de leurs ministres nous rebattent les oreilles avec les déficits de l’État ou le « trou de la Sécu » pour justifier la réforme des retraites, les attaques contre la santé publique, les milliers de suppressions de postes dans l’Éducation et d’autres secteurs de la fonction publique…
Or voilà que la Cour des comptes a publié la semaine dernière un rapport intitulé Entreprises, niches fiscales et sociales qui montre clairement que l’argent public qui manque aujourd’hui dans les caisses de l’État a profité aux actionnaires des plus grosses entreprises du pays.
On y apprend que les niches fiscales – permettant des allègements d’impôts – dont bénéficient les entreprises se sont élevées en 2010 à 66 milliards d’euros et que les niches sociales – autorisant des allègements de cotisations sociales –, toujours pour 2010, ont représenté 35 milliards d’euros. Le rapport ajoute, en outre, que 71, 3 milliards d’euros de dégrèvements supplémentaires l’an dernier ne sont pas répertoriés en tant que « niches ».
Ces 172 milliards d’euros ont profité essentiellement aux multinationales et aux grandes fortunes et non pas, comme voudraient nous le faire croire le gouvernement ou le Medef, aux petits patrons. Il faut pouvoir en effet se payer des services spécialisés dans « l’optimisation fiscale » pour dénicher dans le maquis des quelque 384 mesures qui se sont empilées au fil des années, de quoi réduire sensiblement ses impôts ou ses cotisations sociales. C’est ce que font les groupes du CAC40 ou les grandes fortunes comme Bettencourt, qui sont imposés à hauteur de 8, 9 ou 13 % quand les plus petites entreprises, elles, paient plein pot.
Le Medef a protesté dès la publication du rapport contre une éventuelle tentation de mettre à mal cette poule aux œufs d’or.
Ce qui n’est évidemment dans les intentions ni du gouvernement ni de la Cour des comptes elle-même.
172 milliards d’euros quand le déficit de la Sécu se monterait à moins de 30 milliards d’euros, assurance vieillesse comprise, en 2011, c’est bien une autre répartition des richesses qu’il s’agit d’imposer.
Quand le Medef fait de l’humour.
Lundi 11 octobre, le journal les Échos publiait en pleine page, une fausse pub de l’Union pour les entreprises des Bouches-du-Rhône, autrement dit le Medef local, mettant en cause les grutiers du port de Marseille. Sur le modèle d’un jeu type « Le meilleur métier du monde », il était indiqué que les grutiers seraient les véritables nantis, avec des salaires de 4 000 euros brut mensuels pour 18 heures de travail hebdomadaire. Interrogée, Laurence Parisot a soutenu ses affidés et déclaré que la grève faisait « mal à la France ». D’après la CGT qui n’exclut pas une action en justice, les propos sont mensongers.
Bizarrement, les patrons ne se sont pas payé une page de pub pour dénoncer les collaborateurs du ministère du Budget qui émargent à 15 117 euros mensuels. Il faut bien cela pour pondre une loi de finances dont l’objectif principal est de réduire le pouvoir d’achat des contribuables.
Rien non plus sur la fac Pasqua, fac privée pour 6 000 étudiants (contre 32 000 à Nanterre), qui siphonne 7 millions d’euros de subventions par le département des Hauts-de-Seine. Pourtant selon un rapport de la chambre régionale des comptes d’Île-de-France, les administratifs y seraient deux fois plus nombreux que les enseignants et une quinzaine de rémunérations seraient supérieures à 60 000 euros par an avec un record pour le directeur général et le directeur général adjoint qui percevaient 165 000 euros augmentés d’une prime variable pour le premier et de 110 000 euros pour le second !
On attend aussi une réaction après la nomination de Bernadette Chirac au conseil d’administration de LVMH pour la modique rétribution de 45 000 euros annuels. Quant à Florence Woerth qui a eu quelques soucis avec Clymène, la société qui la payait 200 000 euros par an pour expliquer à Liliane Bettencourt comment frauder le fisc (pendant que son mari Éric expliquait aux Français que les finances publiques étaient si basses qu’il fallait bien faire des efforts), elle vient de rejoindre le conseil de surveillance de l’entreprise Hermès, pour 15 000 euros par an. Certes, rien à voir avec sa rémunération antérieure, mais en termes d’horaires de travail et de vacances, les grutiers, même caricaturés par le Medef, ont encore des choses à gagner !
Quant à Parisot qui s’inquiète pour l’image de la France – un rapport sort justement avec beaucoup d’à-propos sur l’attractivité du pays – elle devrait apprécier le chiffre de l’étude du Crédit suisse selon lequel le pays fait partie des terres d’élection pour millionnaires : 9 % de ces derniers sont en France, soit 2, 2 millions de personnes. Seuls les États-Unis et le Japon en accueillent davantage. Ces millionnaires représentent 0, 5 % de la population mais concentrent 35, 6 % de la richesse de la planète. On se demande bien pourquoi personne à droite ne dénoncent ces privilégiés… Pendant ce temps, une étude de l’UFC Que Choisir révèle qu’entre 2001 et 2008, les dépenses de santé non remboursées ont augmenté de 52 % et qu’en 2008, 9 millions de personnes ont renoncé à se soigner.
Galia Trépère