Appel à un engagement des candidats à l’élection présidentielle
Cette fois c’en est trop!
A l’approche de l’hiver, les préfectures ont annoncé comme chaque année, à grand renfort médiatique, combien les pouvoirs publics porteraient le plus grand soin aux sans-abri durant l’hiver… Combien, en France, il n’est pas acceptable de mourir en période de grand froid… Des moyens apparaissent alors en novembre, comme par magie…
Si les ouvertures de places d’hébergement prévues permettront quelques mois de répit à des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants épuisés par des mois d’errance, nous, professionnels de l’urgence sociale, pensons déjà à l’après: aux remises à la rue en Avril, au désespoir qui traversera les yeux des personnes que nous accompagnons, à cette loi qui prévoit la continuité de la prise en charge en hébergement et dont on organise, avant même l’ouverture de ces places, le contournement. Le cycle infernal de l’errance recommencera. Nous le savons, les associations le savent, les sans-abri bien sûr le savent aussi. Nous pensons à ces personnes que nous avons accompagnées jusqu’à la mort, la boule au ventre, par 30 degrés.
Dans une telle logique de gestion saisonnière de la question des sans domicile fixe, nous n’avons plus, nous, professionnels de l’urgence sociale, les moyens d’effectuer les missions qui nous sont confiées (mettre à l’abri, prendre soin, accompagner dans une tentative de s’en sortir…). L’accompagnement de personnes à la rue ne se construit pas en cinq mois d’hiver, alors que tout le dispositif permettant la sortie vers le logement est saturé. Les hommes, femmes et enfants qui auront la chance d’être mis à l’abri cet hiver regagneront la rue en Avril, nous le savons. Nous les retrouverons l’an prochain, un peu plus dégradés physiquement et psychiquement… Il nous faudra alors leur proposer un accompagnement d’autant plus renforcé pour leur permettre d’accéder peut-être un jour à «un ailleurs que la rue». Nous ne comptons pas ceux que nous enterrerons en chemin…
Cette politique saisonnière a un coût humain que nul ne peut accepter et qui ne peut plus durer. Elle est en outre illégale. La loi dit en effet que «toute personne (…) a accès, à tout moment, à un hébergement d’urgence». Mais l’Etat n’applique pas la loi. Par indifférence, il n’assure plus aujourd’hui le minimum de sécurité physique et psychique auquel chacun a droit. Ceci non plus ne doit pas durer.
A celles ou ceux qui ont une approche comptable de ce drame humain, nous rappelons ce que chacun sait : cette politique est un énorme gaspillage financier parce qu’elle engloutit des sommes considérables dans ce bricolage au jour le jour, au lieu d’utiliser ces sommes pour construire des solutions durables.
Le 2 Août dernier, les Samu Sociaux et les 115 de France étaient en grève pour dénoncer la situation de crise à laquelle nous devons actuellement faire face, faute de places et de solutions pérennes. L’ampleur de cette crise n’a pas été prise en compte par les pouvoirs publics. Nous, professionnels de l’urgence sociale, ne serons plus les complices silencieux des dysfonctionnements du dispositif et des situations de non-droit.
Parce que depuis trop longtemps l’Etat néglige la question et ne manifeste aucune volonté politique de lui trouver de réelles solutions,
Parce que la France paie aujourd’hui le retard de construction de logement social pris ces dernières années,
Parce que la crise ne peut pas être l’alibi au sacrifice des personnes les plus précaires,
Parce que l’enjeu est un choix de société…
Nous créons aujourd’hui l’association «Coordination nationale des professionnels de l’urgence sociale» et nous lançons un appel solennel aux candidats républicains à l’élection présidentielle.
Pour ce rendez-vous démocratique décisif, nous les appelons à se prononcer publiquement et clairement ainsi qu’à s’engager:
— à pérenniser les places d’hébergement ouvertes cet hiver
— à appliquer enfin la loi:
«Toute personne sans-abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence (…)» «Toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir y bénéficier d’un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu’elle le souhaite, jusqu’à ce qu’une orientation lui soit proposée (..)».
Nous les appelons aussi à s’engager sur les propositions défendues par la Fondation Abbé Pierre au travers de sa pétition «Mobilisons-nous», que nous soutenons. Si l’on veut que l’accès au logement ne soit plus la dernière étape d’un parcours d’insertion mais puisse être au contraire son préalable, si l’on veut mettre en place cette politique du «logement d’abord», alors il faut s’en donner les moyens.
Les professionnels de l’urgence sociale se constituent aujourd’hui en association pour faire entendre leur voix.
Pour rendre visible une situation qui ne l’est pas et ne peut plus durer.
Pour que les solutions permettant d’y remédier soient enfin prises en compte et appliquées.
Nous le faisons aujourd’hui, nous le ferons demain, nous le ferons tant que durera la situation insupportable qui frappe les plus démunis.
Car les solutions existent. Comme nombre d’associations, nous y avons travaillé. Comme elles, nous savons que ce qui manque, et depuis trop longtemps, ce sont moins les moyens que la volonté politique.
A tous les candidats républicains nous disons : entendez cet appel.
Comprenez qu’il vous faut y répondre.
Nous attendons vos engagements fermes et concrets.
Le respect de la loi est le terreau de la démocratie. Puissiez-vous contribuer à la nourrir.
La Coordination Nationale des Professionnels de l’Urgence Sociale
Article 345-2-2 du Code de l’Action Sociale et des Familles