Communique de presse de l’Andeva et la Fnath, Paris, le 14 septembre 2010
Imaginez les médecins du travail de France Télécom, EdF ou encore Renault, entièrement contrôlés par les chefs d’entreprise. La prévention des risques professionnels, notamment celle des fameux risques psychosociaux, prendrait l’option « Circulez, il n’y a rien à voir ! » « Des suicides chez nous ? Aucun rapport avec les conditions de travail ou le stress, que des malheureux avec des problèmes personnels… Vous pouvez d’ailleurs vérifier auprès de notre médecin du travail ».
Confier les clés du poulailler au renard, c’est pourtant ce que s’apprête à faire discrètement le gouvernement avec la médecine du travail, dans un amendement n° 730 qui sera examiné aujourd’hui ou demain par l’Assemblée nationale, dans le cadre du volet pénibilité de la réforme des retraites.
A la surprise générale, ce texte prévoit que, désormais, « les missions du médecin du travail sont exercées sous l’autorité de l’employeur », lequel doit également désigner « la ou les personnes compétentes dans l’entreprise pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise ». Et comme si cela ne suffisait pas, la mission précise dévolue au médecin du travail, d’éviter toute altération de la santé, disparaît au profit d’une mission plus générale confiée au service de santé au travail, dirigé par un représentant des employeurs.
Ainsi donc, le salarié remettrait entièrement sa santé entre les mains de son patron. Le gouvernement n’a tiré aucune leçon de l’affaire de l’amiante et s’apprête à supprimer l’un des contre-pouvoirs qui pouvait, dans l’entreprise, faire valoir des arguments médicaux et de santé publique pour éviter l’altération de la santé des salariés, du fait de mauvaises conditions de travail.
L’ANDEVA et la FNATH, association des accidentés de la vie, dénoncent ce projet et appellent au rejet d’une réforme de la médecine du travail totalement à contre courant des conclusions des nombreux rapports qui, ces dernières années, ont recommandé au contraire un renforcement de l’indépendance des services de santé au travail, voire l’abandon de sa gestion par les seuls employeurs.
Dernièrement, en juin, c’est le Conseil national de l’ordre des médecins qui, de façon prémonitoire, a rappelé au ministère du Travail que l’indépendance des médecins du travail ne devait pas « être altérée par de nouvelles règles de gouvernance des services de santé au travail ». A l’évidence, le gouvernement a décidé de s’asseoir sur les règles de déontologie médicale et souhaite une médecine du travail aux ordres du monde économique. Le Medef ne pouvait pas rêver mieux !
De plus, cet amendement représente un véritable passage en force d’une réforme qui devait être négociée avec les partenaires sociaux.
L’ANDEVA et la FNATH appellent donc tous les parlementaires, députés et sénateurs, de la majorité comme de l’opposition, à bien mesurer les conséquences sanitaires de cet amendement s’il venait à être adopté mais aussi la responsabilité directe qu’ils porteraient quant à la santé des travailleurs.