C’est un réquisitoire à la Audiard d’un comédien de gauche contre un comédien inclassable. Un texte long et savoureux comme une tirade de Cyrano, comme celle par laquelle Gérard Depardieu s’est rendu célèbre.
Dans Libération, Philippe Torreton signe une tribune titrée « Alors Gérard, t’as les boules ? », dans laquelle il envoie valser Depardieu bien au-delà de la frontière belge.
Il s’amuse d’abord que son confrère se soit offusqué du mot de Jean-Marc Ayrault, qui trouvait son exil « un peu minable » :
« Le Gérard “national”, le rebelle de Châteauroux, le celui qui, s’il n’avait pas rencontré le cinéma, serait en taule à l’heure qu’il est comme tu le disais, le poète de l’écran la rose à la main quand ça devait faire bien d’en avoir une, qui nous sort un “c’est celui qui dit qu’y est”… Tu prends la mouche pour un petit mot et tu en appelles au respect, comme le fayot dans la cour de récré… »
Puis, ce sont l’acteur et ses vices qui ramassent :
« Tu voudrais qu’on te laisse t’empiffrer tranquille avec ton pinard, tes poulets, tes conserves, tes cars-loges, tes cantines, tes restos, tes bars, etc… […] Nous faire avaler à coups de “han” de porteur d’eau que tu sèmes dans tes répliques trop longues, que l’homme poète, l’homme blessé, l’artiste est encore là en dépit des apparences… […]
L’homme est devenu riche mais sa fortune lui a pété à la gueule. Tu sais, ces gros pets foireux dont tu te vantes et que tu lâches sur les tournages en répondant à tes 12 téléphones au lieu de bosser ? Tu votes pour qui tu veux, et tu fais ce que tu veux d’ailleurs, mais ferme-la, prends ton oseille et tire-toi, ne demande pas le respect, pas toi ! “
Torreton conclut par une référence à Cyrano – ‘en ce temps-là, tu apprenais ton texte’ – et laisse Depardieu fuir ‘en plein siège d’Arras, sous les yeux des cadets médusés’ :
‘On va se démerder sans toi pour faire de ce pays un territoire où l’on peut encore, malgré la crise, se soigner correctement, où l’on peut accéder à la culture quelle que soit sa fortune, où l’on peut faire des films et monter des spectacles grâce à des subventions obtenues en prélevant l’impôt… […] Adieu.’
C’est un texte qu’il faut lire dans son intégralité, mieux, qu’il faut garder en achetant le Libé du jour.
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Torreton envoie valser Depardieu : « Ferme-la, prends ton oseille et tire-toi » | Une Vigie Rue89 Culture.
DEPARDIEU CHEZ LES BELGES
Des citoyens français se sentent offensés par le choix de Depardieu de s’exiler en terre belge sous prétexte que la raison de cette fuite est strictement financière.
L’argent est à ce point sacralisé par notre société et les adeptes de ce culte tellement obsédés par ses éclats que TOUT est jugé à travers son prisme. Aux yeux de ces esprits triviaux et mesquins l’argent est la priorité numéro un conditionnant tous les aspects de leur vie sociale, politique, culturelle…
Depardieu s’est abstrait de l’impôt sur la fortune. Il y a donc baisse de profit pour la France. Moi-même je ne nie pas cette vérité. Il y a effectivement perte fiscale pour le pays.
Oui et alors ?
Comme si c’était là l’argument suprême permettant aux “honnêtes gens” d’injurier le “fautif”. L’argent qu’un citoyen soustrait à son état par exil interposé ne donne pas pour autant de droits supplémentaires aux autres membres de la société se considérant lésés (de manière toute subjective d’ailleurs), et surtout pas celui de l’insulter, de le condamner, de le haïr ! Si Depardieu était parti pour la beauté du paysage belge, personne ne lui aurait fait le moindre reproche. Mais dès qu’il est question d’argent, le peuple voit rouge.
Loin de ces considérations vulgaires au sujet de l’argent, j’aimerais rappeler l’essentiel : ce qui fait la spécificité de notre démocratie, c’est la liberté de s’en extraire volontairement, le choix pour tous de s’exiler afin de trouver mieux ailleurs. Mieux selon des critères personnels, culturels, familiaux, matériels, politiques, idéologiques, etc..
Je ne vois pas en quoi Depardieu serait un mauvais citoyen parce qu’il trouve avantage de vivre en Belgique… Au contraire il donne l’exemple de l’espoir et du courage en exerçant sa souveraine liberté de trouver asile hors de son pays natal. Peu importe sa justification. Cela ne nous regarde même pas. Et même si la cause de son départ est effectivement l’argent, où est le mal ?
Le principal est qu’il ait trouvé l’atmosphère belge plus respirable, qu’il se sente plus heureux, plus libre, plus fortuné, plus sage ou plus fou là bas plutôt que chez nous. Que je sache, la constitution française n’exige pas d’explications de la part de ses citoyens en mal d’horizons nouveaux : elle les laisse franchir ses frontières sans entrave ni jugement. Chaque français est libre de quitter sa patrie, quel qu’en soit le motif. C’est cela la grandeur de la république.
Théoriquement.
Malheureusement c’est sans compter ces justiciers de la petitesse se donnant le droit de juger leurs concitoyens pour de viles histoires d’argent, leur sens de la justice se bornant minablement à cette seule forme de réalité qu’ils semblent connaître dans l’existence, ou plutôt la forme de réalité qui leur est la plus chère : la réalité bassement économique.
Raphaël Zacharie de IZARRA
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