Il manque 2 Mds€ au secteur hospitalier en raison de la disparition de la banque Dexia, selon nos informations. Des responsables d’hôpitaux tirent la sonnette d’alarme.
La vague de choc provoquée par le démantèlement de la banque Dexia n’en finit pas de faire des dégâts. Après les collectivités locales, c’est au tour du secteur hospitalier de subir la fermeture du robinet de financement que représentait la banque publique. Selon nos informations, il va manquer plus de 2 Mds€ aux hôpitaux cette année. Cela représente environ 50% des besoins de ces établissements de soins. Des besoins de crédits, tant de long terme, nécessaires pour les investissements (1,5 Md€), que de trésorerie (600 M€) pour leur fonctionnement courant. « Nous sommes face à un risque de credit crunch (pénurie de crédit) », s’inquiète le directeur d’une agence régionale de santé.
« Les hôpitaux souffrent d’un vrai problème d’accès aux liquidités bancaires depuis cet automne. Dexia, notre interlocuteur numéro un, s’est effondré et le relais n’a pas été pris par les acteurs bancaires traditionnels », s’inquiète la Fédération hospitalière de France (FHF), qui regroupe plus d’un millier d’hôpitaux publics et dont le président tirait déjà la sonnette d’alarme dans nos colonnes voilà quelques semaines. Deux tiers des hôpitaux, notamment des petites et des moyennes structures, pourraient être prochainement en cessation de paiement. Une partie des chantiers prévus en 2012 est arrêtée, avec des conséquences catastrophiques pour le secteur du BTP et les économies locales. Partout en France, les directeurs d’hôpitaux ont parfois du mal à payer les salaires de leur personnel.
La santé, un secteur peu rémunérateur pour les banques
La Banque postale doit reprendre, avec la Caisse des dépôts, une partie des activités de Dexia, mais le dossier n’a pas encore reçu le feu vert de Bruxelles. Son implication prend donc du retard. Autre difficulté, la Banque postale comme les autres établissements traditionnellement prêteurs, comme les Caisses d’épargne, le Crédit agricole, la Société générale et le Crédit mutuel Arkea, manquent des compétences requises en matière d’analyse du risque spécifique aux hôpitaux. En outre, les nouvelles règlementations bancaires en matière de fonds propres (techniquement appelées normes Bâle 3) font des hôpitaux, gros consommateurs de prêts à long terme, des clients peu attractifs. Contrairement aux entreprises et aux particuliers, les hôpitaux font très peu de dépôts, ne souscrivent pas de produits d’épargne et n’achètent aucune prestation de conseil, autant d’activités extrêmement rémunératrices pour les banques.
Certains gros hôpitaux comme ceux de l’AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) ou de Grenoble arrivent à lever des fonds sur le marché obligataire. C’est-à-dire qu’ils se financent sur les marchés financiers hors des circuits bancaires. Mais ces montages sont très compliqués et les hôpitaux plus modestes n’ont pas cette possibilité. Les pouvoirs publics ont déjà demandé par deux fois à la Caisse des dépôts de voler au secours du secteur de la santé. Mais elle ne pourra pas continuer à financer des investissements sur quinze ou vingt ans alors que l’essentiel de ses ressources provient des fonds du livret A déblocables par leurs titulaires à tout moment. « En attendant l’émergence d’une nouvelle banque de financement des collectivités locales et des hôpitaux, qui ne devrait pas intervenir avant l’automne, la Caisse des dépôts et la Banque Postale vont s’arranger pour prêter un peu d’argent », précise une source proche du dossier. Toujours est-il que la plus grande des incertitudes demeure sur l’avenir financier de nos hôpitaux.
Source : Le Parisien
JANNICK ALIMI ETMATTHIEU PELLOLI | Publié le 12.05.2012,