Le manque de personnel est tel en gériatrie que des familles payent des prestataires privés pour s’occuper de leurs proches.
Il y a un an, la direction du CHU de Toulouse se félicitait du taux d’encadrement de l’unité de soins de longue durée (USLD) de l’hôpital Garonne, qui figurait « parmi les meilleurs de France ». Force est de constater que cette prise en charge idéale n’a pas duré. Depuis la semaine dernière, les services de gériatrie du CHU sont en grève illimitée pour dénoncer le manque de moyens et de personnel. « Depuis des mois, les problèmes d’effectifs alourdissent la charge de travail des soignants. Nous ne sommes pas assez nombreux et, en plus, les absences ne sont pas compensées. On se retrouve avec des infirmières qui font double service et on a recours à des intérimaires. Certains présentent un stade avancé d’épuisement professionnel », dénonce Julien Terrié, secrétaire général adjoint de la CGT du CHU, avant de conclure : « Au bout du compte, les patients sont livrés à eux-mêmes. »
À tel point que, au sein de l’USLD de l’hôpital Garonne, les familles de résidents n’ont pas attendu cette grève pour compenser les carences en personnel. Plusieurs d’entre elles ont en effet salarié des personnes pour aider leurs proches à prendre leurs repas parce que le personnel de l’établissement n’avait pas le temps de s’en occuper. « C’est propre et les soins sont corrects, mais là où ça pèche, en revanche, c’est sur le manque de personnel. La famille de mon beau-père a été obligée de salarier une personne qui vient l’aider à manger certains soirs parce que le personnel n’a pas le temps de s’en occuper correctement. Cette femme intervient deux fois par semaine. Le reste du temps, c’est la famille qui assure une présence à tour de rôle. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à avoir adopté cette solution », témoigne, dans la Dépêche du Midi, le proche d’un octogénaire atteint de la maladie d’Alzheimer.
Une salariée, gréviste, confirme que « sur un étage, qui compte une quarantaine de résidents, dont plus de la moitié en aide partielle ou totale aux repas, les trois aides-soignantes affectées à l’étage, lorsque les effectifs sont au complet, en sont réduites à intervenir au minimum, au début et à la fin des repas ». Pour le personnel soignant, le sous-effectif, qui n’a cessé de s’aggraver au cours des derniers mois en raison de nombreux arrêts de maladie, impacte directement la santé des résidents. Il y a deux ans déjà, un audit interne avait pointé des dysfonctionnements. « Mais le rapport n’a jamais été pris en compte par la direction, regrette Julien Terrié. L’hôpital nous explique qu’il est en déficit et qu’on ne peut pas faire autrement. » Pour la direction, il ne s’agit pas d’un problème de sous-effectif mais d’une crise de l’absentéisme.
Une pente vraiment glissante
Les services de réanimation sont parfois contraints de faire des choix d’admission en fonction de l’âge des patients. C’est une réalité. Mais si ce dilemme se pose, c’est bien parce que la pression économique s’accentue : d’un côté, les thérapies ciblées permettent de soigner les patients de plus en plus nombreux, mais de l’autre les hôpitaux sont entrés dans une logique de rationalisation économique, pouvant conduire au rationnement des soins ou à la sélection des malades. La crainte que certains patients soient « trop chers » pour le système n’est pas nouvelle. Dès l’introduction de la T2A, des voix s’élevaient pour dénoncer le risque de voir s’effectuer une distinction entre patients rentables et non rentables, les plus désavantagés étant les malades chroniques nécessitant un suivi médical prolongé. La pente glissante d’une sélection des risques existe, mais il n’y a que la Grande-Bretagne qui a franchi le cap : outre-Manche, les choix médicaux sont dépendants d’indices économiques qui mettent en balance l’accès à un traitement en fonction du coût. À l’heure qu’il est, le système de santé britannique ne couvre généralement pas les traitements coûtant plus de 50 000 euros. Un moyen radical de plafonner les dépenses.
A.C.