Source : lefigaro.fr (une fois n’est pas coutume)
La Cnam estime qu’il s’est vendu près de 145 millions de boîtes en France durant 33 ans. – Selon un document que s’est procuré Le Figaro, le remboursement des boîtes est de 879 millions pour la collectivité.
Par Anne Jouan
Les calculatrices ont dû chauffer. Car la Sécurité sociale a fait les comptes. Objectif : évaluer, pour l’assurance-maladie obligatoire, autrement dit pour la collectivité, le coût engendré par le Mediator.
Selon un document confidentiel de la Caisse nationale d’assurance-maladie (Cnam) que Le Figaro s’est procuré, le chiffre approche le 1,2 milliard d’euros, dont 879 millions pour le seul remboursement des boîtes. Toute la période de commercialisation du Mediator (du 13 août 1976 au 30 novembre 2009) a été prise en compte. Réservé aux diabétiques en surcharge pondérale et, en réalité, largement détourné comme coupe-faim, le médicament de Servier est accusé d’avoir provoqué la mort de 500 à 2000 personnes. 145 millions de boîtes vendues en 33 ans
Ce coût comprend d’abord le remboursement des boîtes, soit 879 millions d’euros sur 33 ans, ce médicament ayant été pris en charge à hauteur de 70% puis 65% (à partir d’août 1993), autrement dit au taux maximal. La Cnam estime qu’il s’est vendu près de 145 millions de boîtes en France durant 33 ans.
À la lecture de ce document, il est intéressant de noter que les ventes de Mediator ont constamment et régulièrement augmenté de 1983 à 2005 pour ensuite progressivement diminuer. En 1983, il s’est vendu 1,454 million de boîtes et le pic a été atteint en 2005 avec 9,152 millions de boîtes. Autre point, la faible vente de Mediator en milieu hospitalier. En 2003, Servier a écoulé 13.309 boîtes à l’hôpital, ce qui signifie, pour cette année-là, que 99,99% des prescriptions ont eu lieu en médecine libérale. D’autres calculs en cours
Pour réaliser ces calculs, la Cnam a dû procéder à des ajustements : il fallait convertir le prix des boîtes, vendues à l’époque en francs, en euros. Les comptes de la Cnam sont donc établis en euros constants 2009.
Au-delà du chiffre des 879 millions d’euros de remboursement des boîtes, les services de la Cnam ont également calculé le coût de la prise en charge des complications liées au médicament. Résultat : au moins 315 millions d’euros. Cette estimation part du principe que 1750 patients ont subi une intervention chirurgicale cardiaque. La Cnam n’a en revanche pas calculé le coût des arrêts de travail liés au Mediator, ni les primes d’invalidité. Elle n’a pas non plus pris en compte les 663.000 courriers envoyés par l’Agence du médicament aux patients ayant pris du Mediator ainsi que les consultations et les échocardiographies qui ont suivi. Les chiffres mentionnés dans ce document sont des estimations. D’autres calculs sont actuellement en cours pour consolider les résultats obtenus.
Contactée par Le Figaro, la direction de la Cnam n’a pas souhaité réagir.
Début février, Me Georges Holleaux, l’avocat de la Caisse, avait déposé une plainte pour « escroquerie à l’Assurance-maladie et tromperie aggravée » . En matière de droit, la tromperie désigne la mise sur le marché d’un produit qui ne correspond pas à ce que son fabricant a déclaré. En l’occurrence Servier a toujours présenté le Mediator comme un antidiabétique et jamais comme une molécule de la famille des amphétamines aux effets coupe-faim. Si tel avait été le cas, le taux de remboursement aurait-il été aussi élevé ?
Cette infraction est prévue et réprimée par les dispositions de deux articles du Code de la consommation. Ce dernier punit de quatre ans d’emprisonnement et de 75.000 € d’amende la tromperie sur les risques inhérents à l’utilisation d’un produit, lorsque cette utilisation est dangereuse pour la santé de l’homme. Le préjudice subi par l’Assurance-maladie au titre de la tromperie concerne le remboursement des boîtes de Mediator. « Les caisses de Sécurité sociale envisagent de solliciter de la part du juge d’instruction, lors des mises en examen, la constitution de très importantes cautions à la charge des mis en examen, nous confiait hier Me Holleaux. Cette demande consiste à couvrir le montant des considérables dommages et intérêts ». Si l’on rajoute les remboursements effectués par les mutuelles durant 33 ans, soit entre 250 et 300 millions d’euros, la facture pour la collectivité s’élève à près de 1,5 milliard.