Conférence Vendredi 22/09/23 L’insoutenable subordination des salariés de Danièle Linhart à la Bourse du travail
Citation de Rosa Parks : « Il n’y a que ceux qui ne bougent pas qui ne sentent pas leurs chaînes. »
Pour Danièle L., le lien de subordination (peu abordé) est l’assurance-vie du patronat prospère. Le modèle de management a été mis en place en contre-coup du « trauma » de Mai 68. Trois semaines de blocage du pays ont incité le patronat français à mettre en place des groupes de réflexion en trois piliers pour éviter que cela ne se reproduise.
1er Pilier : individualisation de la gestion des salariés, ATOMISATION et mise à mal des collectifs. L’inventivité du patronat pour justifier cet individualisme : c’est un progrès social, une meilleure prise en charge du salarié, mais la véritable raison est une attaque en règle des collectifs pour les déstabiliser. Personnalisation du salarié avec des objectifs et une évaluation personnelle. Par exemple, dans une usine à la chaîne, les salariés avaient des objectifs différents sur la chaîne de montage, ce qui était absurde, mais ils recevaient aussi des primes différentes. Cela entraîne donc une mise en concurrence et sollicite les aspirations narcissiques des individus en les poussant à se dépasser. Par exemple, lors du recrutement, on cherche la bonne personne plutôt que le bon professionnel, on recherche du talent, même si cela est indéfinissable. On pénètre dans l’intime, ce qui vulnérabilise le salarié. Comme le disait Taylor, « the right men at the right place ».
2ème Pilier : Organisation du travail déconnectée des savoirs des salariés. Les aspirations personnelles sont exacerbées dans une organisation du travail qui reste taylorienne. « Le savoir, c’est du pouvoir, […] risque de flânerie. » Il faut imposer une productivité et retirer le savoir des ouvriers, RAPTER les savoirs, les connaissances et l’expérience pour imposer une domination afin d’atteindre la productivité souhaitée. On impose un travail pensé par d’autres, coupé et morcelé, qui ne correspond plus à un vrai métier. On observe de plus en plus de procès, de protocoles et de prescriptions imposés sur le terrain, ce qu’on appelle le BENCHMARKING. Le professionnel est nié dans son professionnalisme par ceux qui organisent leur travail. Comment se réaliser lorsque le travail aliénant est pensé par d’autres qui ne respectent pas les valeurs du métier ou les règles de travail ? Par exemple, lors de l’entretien d’un cadre chef d’équipe, son supérieur hiérarchique lui impose des objectifs intenables en raison de la subordination, et il ne peut les refuser. Il veut démissionner pour ne pas imposer ces objectifs à son équipe, mais l’équipe refuse sa démission car elle l’apprécie. Elle met tout en œuvre pour atteindre ces objectifs, que ce soit par des heures supplémentaires ou du travail de nuit. Résultat, lors de l’entretien du cadre l’année suivante, il reçoit le commentaire : « Année décevante, vous n’avez pas dépassé vos objectifs ! » C’est une illustration du lien de subordination.
3ème Pilier : Politique du changement permanent visant à effacer le savoir et l’expérience. Mise en concurrence et modernisation permanentes : le salarié doit s’adapter en permanence, se dépasser, mais cela le dépouille de ses compétences. Le but est de créer une perte de repères afin que les salariés se raccrochent aux bouées que sont les processus et les protocoles. Ainsi, on casse le réseau de compétences et la routine, ce qui entraîne un effort énorme pour s’adapter et une perte de sens, pouvant conduire au BURN-OUT. Le lien de subordination est comme une laisse autour du cou du salarié. Avant, la solidarité et l’entraide, le collectif, étaient le pouvoir du salarié, mais cela a été coupé par l’individualisation, aggravé par le télétravail. Ce lien de subordination enferme et entraîne des départs en masse (TURN OVER +++).
Les ressources humaines (RH) tendent à promouvoir une politique axée sur le bien-être, le bonheur et la santé, mais cela est souvent fait dans un souci de productivité. Henri Ford, par exemple, envoyait des psychologues au domicile de ses employés pour s’assurer que tout allait bien et qu’ils dormaient bien afin d’assurer la meilleure productivité.
La suppression des Comités d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) affirme la volonté de s’approprier les compétences et l’expertise des syndicats et des salariés pour les laisser entre les mains du patron.
Conseils pour aller plus loin :
- Un film réalisé par SUD à voir : « Par la force ou par la porte ».
- Un livre à lire : « Le bal des actifs, demain, le travail ».