Trop énervée pour ne rien dire et trop désabusée pour ne pas essayer de comprendre un peu plus ce qu’il nous arrive ; voilà l’état de mes pensées aujourd’hui .
Un petit mot sans ambition sauf celle un peu égoïste de me faire un peu de bien face à cette situation qui me rend si triste.
Alors voilà ce qui va rassembler le personnel paramédical de chirurgie pédiatrique, la chose que nous aurons réussi à faire ensemble sera la séparation de nos deux unités, personnellement moi cela ne m’aide pas à entrevoir la solution pour mieux soigner nos petits patients. Je comprends par contre qu’elle réponde au mal être de certaines personnes. L’avenir de l’hôpital passe apparemment par la polyvalence du personnel, on nous le répète tellement à nous membres du pôle enfant. Cela paraît
évident dans la logique gestionnaire de l’hôpital public actuel : soigner toujours correctement avec tellement moins de moyens. Nous, brillantes personnes réfléchies, nous acceptons l’idée que scinder est mieux que cela.
Sommes nous sûrs que nous ayons connaissance de tout les éléments de cette décision venue d’en haut, venue de ces gens qui connaissent si bien notre travail ?
Notre hiérarchie nous propose un pansement pour nos égo meurtris, une solution immédiate à nos problèmes de communication et l’on trouve cela si facile et pratique que l’on va l’accepter.
Accepter quoi ?
Accepter que les enfants qui auront la malchance d’être en C2 l’après-midi soient moins bien soignés que les autres.
Accepter l’idée qu’une équipe divisée pourrait peut être soigner mieux qu’une équipe entière avec des sensibilités et des expertises différentes.
Accepter que de fait des infirmiers et des auxi chanceux auront 8 patients à charge alors que certains en auront 10 ou 11.
Accepter que nos conditions de travail à l’hôpital soient plus importantes que la qualité de soin donnée à un enfant.
Personnellement, pour ce que mon avis vaut, je suis loin de l’idéal de mon travail que je me faisais peut être bêtement il y a huit ans, temps où je suis rentrée à l’hôpital public pour enfant de Toulouse, je me souviens d’en avoir été fière. Je ne compte pas les jours où je me dis que l’on aurait pu faire tellement mieux pour un enfant avec un peu plus de temps, où je me dis que j’ai perdu trop de temps à justifier mes actes et à protéger mon diplôme.
Enfin, je me dis que nos querelles d’enfants idiotes et tellement peu importantes nous prennent un temps et une énergie que nous ne mettons plus au service de notre travail, au service des enfants que l’on est censé soigné.
Être un robot technicien, faire avancer toujours plus vite le service et flirter avec la sécurité, c’est de plus en plus mon quotidien, la solution trouver ne palliera pas tout les problèmes de sous-effectif, moi je ne m’en contente pas.
J’estime que ne pas manger 5 matins de suite ou ne pas boire, avoir 14 enfants à charge sur certaines plages horaires, c’est ce que je peux donner si on me laisse le temps de bien faire mon job. Si en plus de mes conditions déplorables de travail je mets en danger des enfants par mes actes parce qu’ils sont trop rapides ou trop tardifs, je ne peux plus accepter.
Valider la solution « divisante » de ma hiérarchie, en sachant que mes collègues d’à côté ( celles de l’autre équipe ), sont toujours dans la même situation et revendiquent toujours pour les enfants qu’elles essaient de soigner, est-ce acceptable, est-ce professionnel, est-ce gratifiant ?
Je voulais juste égoïstement me calmer avec cette lettre écrite en un jet avec mon ressenti, merci de m’avoir lu et j’espère pour tous que l’on sera capable de continuer à soigner ensemble des enfants.
Une très belle lettre, où je pense, que beaucoup de personnes peuvent se reconnaître.
Une lettre qui montre la violence du quotidien dans un milieu de travail ou l’on devrait prendre soins des autres…