Réponse à l’intervention du Directeur Général du CHU de Toulouse sur intranet par le syndicat CGT du CHU de Toulouse.
Monsieur le Directeur Général,
Tout d’abord, nous sommes heureux que vous prêtiez attention à nos écrits concernant la situation actuelle du CHU de Toulouse. Vous faites allusion, sur l’intranet du CHU, à l’article « Résister à l’Hôpital Entreprise » publié sur notre site cgtchutoulouse.fr. C’est un article d’analyse, il y en aura avant, pendant et après les élections professionnelles. Il est de notre devoir de représentants du personnel de donner des réflexions et des perspectives aux agents pour comprendre la situation actuelle.
Il est regrettable que ce soit un article qui vous fasse réagir, plutôt que la grève illimitée des agents des Urgences de Rangueil et Urgences psychiatrique du CHU, qui se battent depuis des mois contre les dérives de la casse de l’Hôpital public. Vous dites dans votre intervention que le CHU est une « entreprise pas comme les autres » pourtant, comme les autres, elle a des « clients » c’est le nouveau nom pour « patients », des « prestataires », des « retours sur investissements », des « intéressements » et même possiblement des bénéfices depuis les différentes réformes.
Vous constatez comme nous l’augmentation des préavis de grève sur le CHU, et vous avouez vous-même dans la presse que la situation est difficile à l’heure actuelle. Alors pourquoi ne pas se poser la question de la cause ? … Les élections professionnelles ? Un peu de sérieux…
L’hôpital est actuellement en tension, les soins sont priorisés et hiérarchisés : oui, le « prendre soin » n’est plus reconnu ; oui, les effectifs sont constamment réduits, les remplacements non faits systématiquement, et la charge de travail explose. Si la tarification à l’acte est bénéfique à notre Hôpital (où est l’évaluation ?) pourquoi les agents ne le voient-ils pas ? Si la qualité des soins est, tant bien que mal, maintenue c’est parce que tout le monde continue à travailler au-delà des limites de la législation et de sa santé propre pour continuer à bien travailler, nous tenons POUR soigner malgré les réformes.
Parmi elles, la tarification à l’activité (qui plus est à 100%) est une aberration. Prenons par exemple le tarif des soins palliatifs : si, le jour de son accueil, le malade décède avant minuit, l’hôpital touche 800 euros, s’il reste 15 jours, 8000 euros et s’il reste plus, toujours 8000 euros. D’un point de vue comptable, la date de décès conditionne donc l’attribution des ressources… La logique de soin ne doit pas rentrer dans une logique marchande. C’est abject, et c’est en ce sens que nous choisissons effectivement d’entrer en résistance face à ce système, comme aussi beaucoup de médecins nationalement. Nous vous invitons à contester également ce système, pour améliorer la qualité de soin et les conditions de travail au CHU de Toulouse.
Une grande partie de l’engagement réel et admirable des hospitaliers est gaspillée dans la gestion des dysfonctionnements, et les épuisements ou « burn-out » sont réels. Un épuisement professionnel est quelque chose de grave qui marque le parcours professionnel, voire la vie d’un agent pour toujours. C’est notre rôle, en tant que représentants du personnel, d’utiliser le « droit d’alerte » sur ce type de danger dans le cadre exact fixé par la loi (qu’il est bon que vous ayez rappelé pour que tout le monde se rende compte de son bien fondé), et nous le faisons et le ferons tant que les situations existeront. Vous avez tort de sous-estimer les risques psychosociaux au CHU, ils sont réels.
Vous contestez le « droit d’alerte » en faisant sous-entendre qu’il serait utilisé de façon illégale alors que jamais ce n’a été le cas. Par contre, en parlant d’illégalité, que dire des 12h17, par exemple ? On sait que les 12h (pile) sont dérogatoires (donc légales) et que certains agents les demandent pour essayer d’avoir des plannings moins « fous » et pour pouvoir avoir une vie sociale au détriment de leur santé (la plupart des médecins du travail comme notre syndicat ne préconisent pas les 12H). Mais les 12h17 sont totalement illégales ! Encore une invention pour ne pas embaucher. De plus, vous ne laissez que 20 minutes de pause aux agents…
Illégalité encore, pourquoi contestez vous systématiquement au tribunal (sans succès, fort heureusement) notre droit d’avoir recours à des expertises externes ? Pourquoi payer des frais d’avocats sur le budget de l’hôpital, gaspiller du temps et de l’énergie alors que ces expertises donnent des préconisations claires et construites pour améliorer les conditions de travail ? Les représentants du personnel sont-ils vraiment ceux qui exercent un blocage systématique ?
Souvent, ces expertises montrent le manque de soutien et de reconnaissance de la part de la direction. L’épisode du conseil de discipline d’une infirmière, et sa révocation de 24 mois du CHU (!) pour des erreurs professionnelles mineures – dues précisément aux dysfonctionnements (manque de formation initiale, sous effectif…) – a beaucoup ému la communauté hospitalière. Son cas ne relevait pas de la discipline, mais de la co-construction de solutions pour éviter ce type d’erreurs dans l’intérêt du « patient ». Ce comportement est nouveau de votre part, et constitue encore un signe du passage à l’ « Hôpital entreprise ».
Si vous participiez au CHSCT central et au CTE dont vous êtes le président, vous verriez la galaxie de problèmes que rencontrent les agents. Vous verriez aussi que beaucoup seraient réglés si le CHSCT ou le CTE n’étaient pas entravés dans leur fonctionnement. On nous présente par exemple des travaux en CHSCT, alors qu’ils ont déjà débuté… Ceci est illégal et absurde : les agents qui vont y travailler au quotidien ne sont pas consultés auparavant, et leurs besoins et propositions inconnues de la direction. Cela entraîne alors très souvent des travaux supplémentaires et de nouveaux dysfonctionnements. Autre absurdité dangereuse : Allez vous suivre les préconisations du CHSCT sur le site du Canceropôle ? Va-t-il ouvrir alors qu’à proximité subsistent des stocks de milliers de tonnes de poudre inflammable dans les ballastières de la poudrerie SNPE ? Malheureusement, nous craignons que vous n’attendiez pas la dépollution totale du site. Nous espérons nous tromper car ce serait du plus mauvais effet pour commémorer les 10 ans de l’explosion d’AZF…
Concernant ce type de catastrophe, on peut d’ailleurs se demander si, après 10 ans de casse de l’hôpital, le CHU serait en capacité aujourd’hui en termes humains (organisations, personnel expérimenté) comme en termes de moyens (stocks, stérilisation, possibilité d’aval aux urgences…) de soigner au mieux, si une catastrophe semblable arrivait. Vous allez nous dire que oui, bien sûr, la plupart des agents pensent que non.
Le Secrétariat Général de la CGT du CHU de Toulouse.