Ce métier je l’ai choisi il y a bien longtemps avec la foi et la fougue de la jeunesse, par passion, passion qui encore a ce jour et après bien des années ne m’a jamais quittée. Par amour pour les humains, pour tous ceux que j ai croisé au fil des années et qui étaient touchés dans leur chair et dans leur cœur. Si j ‘écris ces lignes ce n’est pas pour moi mais bien pour ceux à qui j’ai toujours donné mon temps et mon énergie : les patients, je dis bien patients et non clients car je ne leur vends rien, ce que je fais pour eux dans le cadre de mon métier ou parfois en dépassant ce cadre je le leur offre sans regret et je voudrai pouvoir continuer, simplement continuer dans de bonnes conditions qui sont celles où je sais que je suis efficace.
Pour des raisons diverses, je sais que cela n’est plus possible et j’en suis arrivée à un point ou j’estime que les conditions pour un travail de qualité ne sont plus réunies, que ma volonté et surtout mes forces physiques ne suffiront bientôt plus pour palier a un environnement devenu hostile et ou je continue a courir pour tenter, en particulier quand il y a urgence, de conserver aux patients un service de qualité comme je l ai toujours fait. Mais mon physique a ses limites et je suis inquiète car je vois arriver à grands pas le jour ou physiquement je n aurai plus la force et ou par les conditions qui me sont imposées je ne pourrai pas assurer et ou cela pourra être préjudiciable aux patients. Coincée dans un bâtiment et un bloc qui n’est pas à taille humaine, des couloirs interminables et qui font perdre un temps précieux aux patients urgents, voulant aller le plus vite possible, poussant et tirant, des poids, des tables, du matériel, en continu, sachant très bien que ma force physique est prépondérante et que si mes forces s’épuisent le patient peut en payer le prix et sachant aussi que la situation met ma santé personnelle en danger.
M’entendant dire, du fait d’une mutualisation ou chacun n’a pas gardé ses compétences, qu’un patient ne sera pas opéré car je ne sais pas le faire et donc faisant rejeter sur moi une faute qui dans un sens n’est pas la mienne puisqu’elle m a été imposée sans que je ai eu d’autre choix que de le vivre et de le subir. Retrouvant des collègues dans un état de stress terrible en pleurs, ou moi même allant jusqu’au bout de mes forces dans des réserves de matériel, cherchant une boite en extrême urgence et m énervant a ne pas la trouver ou simplement parce que l’on n en a plus.
Seule représentante de la spécialité quand je suis dans le bloc des urgences qui est l’endroit ou par principe il faut être rapide et efficace et entourée de gens qui ne savent pas et qui je ne peux rien reprocher mais voulant aller vite finissent par faire des erreurs et qui ne mesurent pas que si les choses se passent bien cela m’a et nous a demandé une force énorme, j ai peur qu’un jour ne pouvant être a deux endroits à la fois et ne pouvant avoir l’œil partout ce soit le patient qui en pâtisse et je décline toute responsabilité de ce qui pourra se passer et des conséquences que cela pourra avoir dans cette situation qui m a été imposée car le physique humain a ses limites et au delà…
Ma compétence dans ma spécialiste je la connais et je n en ai aucun doute et je revendique d être incompétente dans d autres spécialités qui ne sont pas les miennes car dans chaque spécialiste il faut des mois de travail pour connaître, certes je peux aider avec toute ma bonne volonté mais je ne suis pas efficace a 100% et je comprends que les acteurs qui sont a coté de moi ne soient pas eux non plus dans des conditions de travail satisfaisantes, nous sommes d accord sur le constat mais nous avons simplement une façon différente de verbaliser les choses et je n ai pas a subir de reproches. Je n’ai pas à porter cette responsabilité la et je me dis que si je suis solide moralement d’autres qui vivent la même chose que moi peuvent ne pas l’être autant et craquer, dieu sait comment, avec des conséquences qui peuvent être graves.
Je déplore aussi ne pas pouvoir, dans ce contexte, transmettre aux nouveaux mes compétences, les guider, leur monter la route car la transmission fait parti de mon métier,
elle est importante, permet aux jeunes arrivant de savoir ce qu ils font, pourquoi ils le font, comment il vaut mieux qu ils le fassent et surtout pourquoi d une façon et non d’une autre. Cette parti de mon travail elle est complètement éludée car simplement je n’ai plus le temps et je n ai plus les conditions pour la faire et la faire bien, car si on doit faire les choses a moitie je crois qu il vaut mieux ne pas les faire, on le doit a nos patients et je crois qu’il est important de ne pas laisser se dégrader les choses, la qualité de notre travail a toujours été louée, notre implication aussi et il est important de ne pas laisser une situation se dégrader au risque que les patients n aient plus droit a une qualité de prise en charge qui jusque là était très positive.
Que dire de plus si ce n est que ma volonté et mon amour pour se métier sont toujours la, même si les conditions que l on m impose font que je ne le reconnais pas trop, que pour l instant ma force physique me permet encore de courir mais jusqu’à quand… et je ne veux par porter les conséquences du fait que je suis un humain avec ses limites et que quand elles seront atteintes on ne manquera pas de me le reprocher et de m en faire porter la responsabilité, responsabilité que je décline vu que c est le contexte qui me mets dans une telle situation.
Un agent gréviste du bloc opératoire PPR – CHU de Toulouse
Et bien BRAVO et vraiment rien à ajouter!, ce très beau témoignage nous reflète tous avec notre foi, nos limites physiques et professionnelles, notre volonté de soigner des patients et non de « traiter » des clients; un métier, une vocation, que l’on veut faire bien ou arrêter, avant l’irréparable, l’irréversible…. et de toute façon la responsabilité qui fini toujours par vous tomber sur le dos , de manière impitoyable.
Le témoignage de cette professionnelle de grande qualité reflète non seulement la dégradation des conditions de travail mettant en danger la vie des patients mais aussi la cruauté d’un système qui reproche au soignant ce qu’il a déclenché par les conditions de travail .La psychiatrisation du salarié , devenu coupable du système qui lme torture est particulièrement révoltante …
je ne sais pas qui est la personne qui a ecrit ces lignes, mais respect… ces mots sont exactement ce que nous ressentons tous et ce que nous voulons voir changer.
A faire diffuser largement a mon avis