Déclaration du CHSCT central du CHU de Toulouse du 19 décembre 2012
Le CHSCT a 30 ans. La loi n° 82-1097 relative aux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail dites lois «Auroux» a été promulguée le 23 décembre 1982. 30 ans après la volonté inachevée de « permettre aux travailleurs d’améliorer eux mêmes leurs conditions de travail » dans les entreprises de plus de 10 salariés, la prévention de la santé en France et l’instance CHSCT est encore trop peu respectée et donc pas assez efficace au regard des énormes enjeux.
Cette année, les accidents de travail et maladies professionnelles ont encore augmenté de 1,1% et ont entrainé officiellement 46,9 millions de journées d’arrêt de travail (2 jours par actifs), c’est à dire selon les estimations du BIT, une perte de 50 milliards d’euros (2,5% du PIB) – le BIT estime qu’en France une journée d’arrêt de travail coûte en moyenne 1000 euros à l’employeur. Le coût humain est incalculable mais pèse lourdement sur des millions de foyers, sur le bien être moral et les gestes du quotidien. Cette année encore 37% des handicaps reconnus sont d’origine professionnelle. Nous savons aussi que les accidents de travail et maladies professionnelles sont sous déclarées, qu’une bataille est menée contre les déclarants d’accidents de travail aussi bien dans le privé que dans le public.
La santé au travail se dégrade, mais alors que l’espérance de vie en bonne santé vient de passer à 61,5 ans, les différents gouvernements continuent à prendre des mesures délétères : augmentation de la durée de cotisation retraite, augmentation de l’âge légal à 62 ans, réforme de la médecine du travail, fin de la reconnaissance de la pénibilité pour les professions paramédicales, mais aussi baisse du « coût du travail » donc des salaires et de la protection sociale, ce salaire continué qui permet pourtant aux travailleurs de ne pas craindre l’avenir en situation de non travail notamment la maladie.
Ces mesures accroissent la pression à la productivité du patronat et de l’Etat sur tous les travailleurs ayant un emploi ou non. Les qualifications de chacun et chacune ne sont plus respectées et les problèmes de reconnaissance du travail effectué apparaissent dans toutes les études et notamment dans les professions de santé ou du social. Le travail est un facteur de création de l’identité et facteur d’émancipation lorsque les conditions sont réunies, mais la qualité empêchée, la non reconnaissance, le non respect de la dignité des travailleurs est au contraire source de souffrance pouvant aller jusqu’au suicide.
La productivité française reste la plus élevée du monde avec ses conséquences sur les corps et les esprits notamment à cause d’un management de la productivité, un management du « faire plus avec moins » avec des normes de qualité tournées vers la gestion au mépris des conditions de travail et de l’humain. Ces pratiques créent directement les « malades de ne pas pouvoir bien faire ».
Hausse de la productivité, baisse des salaires, en économie c’est le taux d’exploitation qui augmente. La souffrance au travail n’est autre que l’expression morale et physique de l’exploitation. Entre 1982 et 2012, le coût du capital qui est le marqueur du taux d’exploitation a augmenté de 151% alors que dans la même période les salaires augmentaient seulement de 56%.
Pourtant malgré ce contexte, nos employeurs des hôpitaux publics tentent encore de rogner des droits en matière de santé au travail, en effet, nous avons pris connaissance du courrier qu’a adressé la FEDERATION HOSPITALIERE DE FRANCE à propos des expertises demandées par les CHSCT des établissements publics hospitaliers.
La CGT est particulièrement choquée des pressions exercées par cette fédération alors que de très nombreux hôpitaux sont désinvoltes avec la prévention de la santé et sécurité des personnels (notamment en terme de moyens alloués) et la consultation des instances de représentations, notamment les CHSCT. Les directions hospitalières seraient moins désinvoltes si le code du travail ne dérogeait déjà pas de façon invraisemblable en ce qui concerne les sanctions pénales pour entrave. Et il ne sera pas évoqué, la mise en oeuvre de projets sans consultation ni du CTE quand cela est nécessaire ni, pis encore du CHSCT. A telle point que la CGT envisage d’utiliser une question prioritaire de constitutionnalité lors d’un prochain contentieux emblématique afin de savoir si l’immunité pénale des directeurs est conforme au principe d’égalité devant la loi.
Il apparait clairement à la CGT qu’il n’est pas pensable pour ce même motif de toucher aux dispositions actuelles. Les agents des hôpitaux auraient donc besoin de moins de protection que les salariés du privés ? A l’heure actuelle ou les directions hospitalières ne savent la plupart du temps seulement rétrocéder les contraintes posées par les ARS qui rétrocèdent elles mêmes les contraintes gouvernementales, la CGT combattra sur tous les fronts toute modification qui irait dans le sens d’ une diminution explicite ou implicite de la protection des agents hospitaliers. Nous combattrons également pour la conquête de nouveaux droits visant à l’application du préambule de la constitution de 1946 : «Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises.»