Elodie, infirmière radiée par le CHU de Toulouse écrit au Président de la République.

Monsieur Le Président de la République

PALAIS DE L’ELYSEE

55 rue du Faubourg Saint Honoré

75008 PARIS

le 11 février 2022

OBJET : demande de soutien face à une situation de harcèlement.

Monsieur le Président de la république.

Je me permets de vous envoyer ce courrier pour vous faire part des malversations que je subis depuis déjà deux ans par ma hiérarchie de l’Hôpital des Enfants de Toulouse.

Je me présente, je m’ appelle Elodie M., âgée de 37 ans, infirmière diplômée d’Etat depuis 2007 et maman de 3 enfants. J’ai eu la chance d’être employée au CHU de TOULOUSE dans le service de Pédiatrie Générale dès juin 2007. La pédiatrie est pour moi une passion et être soignante dans cette spécialité a toujours été pour moi un rêve. J’ai occupé ce poste jusqu’en septembre 2018 où déjà les conditions de travail s’étaient progressivement détériorées dues au manque de personnel, au manque de lits.

De Septembre 2018 à Mars 2020, j’ai été en congés de maternité suivi d’un congé parental. Au vue de la pandémie de la COVID 19 de 2020, j’ai demandé à reprendre mon poste en anticipé, ce qui m’a été accordé en mars 2020 pour un poste d’IDE au POOL PEDIATRIQUE, car ayant pris un congé parental, j’ai PERDU mon poste en Pédiatrie Générale.

Dès la réception de cette « offre de poste », j’ai tenté à plusieurs reprises de joindre la cadre supérieure de l’Hôpital des Enfants afin de connaître les modalités de ma reprise. Malheureusement, mes tentatives ont systématiquement échouées et j’ai donc fini par joindre directement la cadre du pool pédiatrique qui n’était pas informée de mon arrivée et qui s’est occupée d’en savoir davantage.

Ma reprise était prévue pour le lundi 23 mars 2020 et j’ai finalement appris le jeudi 19 mars que mon retour sur l’Hôpital des Enfants était annulé pour l’unique raison de mon statut d’infirmière et non infirmière puéricultrice, décision prise par la cadre supérieure de l’Hôpital des Enfants.

Cette annonce a été pour moi un vrai choc émotionnel important, car mon expérience professionnelle et ma passion au quotidien ont été bafouées. En effet on me demandait d’occuper finalement un poste d’IDE en réanimation adulte. Ceci était pour moi impensable et injuste. Face à mon désarroi, la DRH a finalement réussi à me trouver un poste d’IDE dans une crèche hospitalière que j’ai occupé dès le 23 mars 2020, date de ma reprise officielle. Selon les dires de la DRH, ce poste devait être transitoire car l’Hôpital des Enfants était en manque de personnel et mon profil correspondait parfaitement aux besoins de ce dernier. Après plusieurs appels quasi hebdomadaires et mails auprès de la DRH, cette décision a perduré et j’ai même appris en juin 2020 que mon retour sur l’Hôpital des Enfants ne sera plus possible car « je suis bloquée par une personne »,

De nouveau pour moi, cette annonce a été très bouleversante et choquante car j’ai travaillé 11 années dans cet hôpital dans le respect de mon travail, des familles, de mes collègues et de mes supérieurs.

J’ai même tenté de demander l’appui de certains médecins avec lesquels j’ai travaillé, des cadres de service qui ne comprenait pas ma situation, mais là aussi ce fût un réel échec.

La DRH en est même arrivée à me faire comprendre qu’une réorientation professionnelle était à envisager fortement.

Malgré mon sentiment d’injustice et de révolte, j’ai tout de même engagé des recherches d’emploi dans le domaine des adultes mais en vain, car mon profil ne correspondait pas vu que mon unique expérience était en pédiatrie. Je me retrouvais donc dans une impasse et moralement cette période fût extrêmement difficile pour moi.

A ma grande surprise, le 28 septembre 2020, je recevais un appel de la DRH, m’apprenant que le 5 octobre 2020, j’étais attendue au pool pédiatrique.

Mes débuts au pool pédiatrique furent un peu difficile car le pool signifie que l’on doit avoir une mobilité constante dans les différents services de l’hôpital ainsi que les connaissances des différentes pathologies qui vont de paire.

Cette adaptation s’est faite progressivement , je commençais à me sentir « à l’aise » jusqu’à ce que mes affectations soient modifiées. En effet, fin mai 2021 , mes cadres supérieures m’ont affecté dans le service d’hémato-oncologie pédiatrique, service dans lequel j’avais précisé vouloir une doublure ou une formation afin d’être opérationnelle face aux patients et aux familles.

Cela n’a forcement pas été le cas, dû au manque de personnel.

Cette situation s’est renouvelée , en m’affectant dans le service de néonatologie . Je me suis retrouvée dans un service où je n’avais aucune connaissance, ni théorique, ni pratique et ceci a été pour moi très traumatisant et bouleversant.

J’ai donc décidé de joindre par téléphone ma cadre de service afin de lui faire part de mon mal être dans ces services, ce qui n’a pas été évident pour moi car en tant que soignant, se sentir diminuée et en difficulté est pour moi inacceptable.

J’ai donc pris la décision de prendre rendez vous avec le médecin du travail afin de lui faire part de mon mal être actuel. Ce rendez vous a été fixé le 10 août 2021,

Malheureusement, entre temps, le 28 juin 2021, mon état se santé s’est dégradé et cela a commencé par un ulcère gastrique (arrêt maladie d’une semaine), prolongé par une sciatique (de nouveau une semaine d’arrêt) qui lui aussi a été prolongé jusqu’à la fin du mois car mon moral commençait à être en berne, Mon médecin traitant m’avait conseillé à cette période là de débuter un traitement médicamenteux afin de me soulager, ce que j’avais refusé.

J’ai donc repris mon poste début août 2021, mais mon moral n’était pas à mon maximum, des angoisses sont apparues pré prises de poste, des insomnies … Je ne me reconnaissais plus dans le poste de soignante, j’ai craint une faute professionnelle. Ma reprise a donc été de courte durée,

Le 10 août 2021, lorsque j’ai rencontré le médecin du travail, ce dernier me recommande lui aussi un traitement médicamenteux et pose le diagnostic « d’épuisement professionnel ». Je refuse de nouveau la mise en place d’un traitement et compte sur la semaine d’arrêt maladie suivi de mes congés estivaux pour faire une pause et revenir en forme.

Mais ce n’était qu’utopie, car je n’ai pu reprendre après mes congés, mes angoisses se sont accrues et mon état de santé s’est détérioré, Mon médecin traitant a reposé le 30 août 2021 le diagnostic « d’épuisement professionnel et j’ai alors accepté la mise en place d’un traitement anxiolytique et antidépresseur ainsi qu’une psychothérapie.

Je me sentais prête et j’avais accepté l’idée que j’étais « malade » même si cela a été très difficile.

A ma grande surprise, ma cadre supérieure demande un contrôle médical le 31/08/2021 qui a eu lieu au cabinet du médecin agréé par le CHU le 10 septembre 2021, Cet entretien fut extrêmement rapide et a été conclu à un arrêt justifié. Ce dernier ne m’avait à aucun moment parlé d’une potentielle reprise à la fin de mon arrêt qui allait jusqu’au 1er octobre 2021.

Mon médecin traitant a donc prolongé cet arrêt jusqu’au 1er novembre 2021, car mon état de santé ne s’améliorait pas.

A ma grande surprise, je reçois le 14 octobre 2021 un courrier LR-AR datant du 4/10 , stipulant une mise en demeure de reprendre mes fonctions sous 48 h au risque d’être radiée des cadres avec suspension de salaire. Ce fut un choc terrible pour moi, une incompréhension totale surtout avec mes 3 enfants à charge. J’ai donc tenté de joindre mon médecin traitant, le médecin du travail, ma psychologue , seulement ce cas était inconnu de tous et je me retrouvais de nouveau dans une impasse. J’ai donc trouvé de l’aide auprès des syndicats CGT de l’Hôpital des Enfants qui m’ont soutenu et aidé dans mes démarches malgré une situation inconnue pour eux aussi. Ces syndicats ont engagé des recours face au CHU qui n’ont pas été fructuants et j’ai donc décidé de faire appel à une avocate.

Cette dernière a également joint le CHU mais en vain. A mon grand désarroi, je reçois le 16 novembre 2021, un courrier LR-AR, stipulant ce coup ci ma radiation des cadres. Mon état de santé depuis le début de cette « bataille » s’est dégradé progressivement mais ce jour du 16 novembre 2021 a été pour moi extrêmement bouleversant. Les syndicats, choqués eux également, de cette situation ont lancé une pétition contre cette radiation, ainsi qu’une couverture médiatique. Cette pétition a tout de même atteint plus de 46 000 signatures.

Avec mon avocate, nous avons saisi en référé le CHU de Toulouse au tribunal administratif de Toulouse le 2 décembre 2021, cette audience fut renouvelée au 9 décembre 2021, audience à laquelle j’ai décidé de prendre la parole devant le juge de référé malgré mon « état pitoyable ».

J’ai eu la joie le lundi 13 décembre 2021 d’apprendre que le juge des référés avait plaidé en ma faveur et j’étais donc réintégrée avec reprise de salaire.

Comme pour toute décision de justice, la partie adverse a 15 jours pour pouvoir faire appel… J’y ai cru jusqu’au 15ème jour, le 28 décembre 2021, jour où mon avocate me fait part de la volonté du CHU de Toulouse de faire appel au Conseil d’Etat.

Je me retrouve encore une fois désappointée, déçue, en colère en désarroi total.

Suite à l’audience du 9 décembre 2021, le CHU est entièrement au courant de mon état psychologique en souffrance avec risque suicidaire, mais en vain il continue, il s’acharne, je suis épuisée autant physiquement que moralement. Il est clair que je subis un HARCÈLEMENT de leur part actuellement mais qui malheureusement perdure comme vous avez pu le lire précédemment depuis 2020,

Monsieur le Président de la République, cette lettre ouverte a pour objectif de solliciter votre soutien dans cette épreuve que je subis,

Je vous remercie par avance de l’intérêt que vous porterez à cette demande.

Je vous prie d’agréer, Monsieur Le Président de la République, l’expression de mon profond respect.

Elodie M.

PS : copie envoyée à Monsieur Olivier VERAN

16 réflexions sur « Elodie, infirmière radiée par le CHU de Toulouse écrit au Président de la République. »

  1. Je ne peux imaginer que la situation d’Élodie n’ait pas connu un règlement entièrementf favorable. L’acharnement de la hiérarchie d’Élodie est inadmissible et mérite d’être condamnée. Je veux espérer que le soutien de la CGT, qui ne l’accorde qu’à bon escient, permettra à Élodie de récupérer tous ses droits. Une prime compensatoire devrait même lui être accordée.
    Tiens bon Élodie!

  2. Merci pour ce témoignage. Vous êtes formidable. Que faire devant une machine à broyer? J’ai vécu des difficultés similaires en tant qu’infirmiere mais jamais à ce point là. Quelle honte pour eux!

  3. Malheureusement pour vous, vous adressez votre lettre au plus grand DRH qui, comme tous les dirigeants « européens » sont à la botte des Marchés financiers! Ce que je dis peut les vexer, car un membre de ma famille, qui a fait toute sa carrière dans le milieu bancaire, m’a soutenu, je n’en croyais pas mes pauvres oreilles, qu’il avait, lui, travaillé sur de l’humain! Alors que vous, Elodie, infirmière et mère de famille, apparemment, vous n’êtes pas humaine au yeux de ce DRH. On comprend très bien pourquoi les citoyens qui se battent tous les jours, en ont ras le bol de la froideur du système qui nous gouverne ! Ne lâchez rien, c’est vous la vraie citoyenne, la vraie  » compatriote  » comme diraient certains politiques que je n’apprécie que trop peu!
    Nous sommes fier de vous!

  4. Comment peut-on malmener à ce point des soignants que l’on a encensé pour leur bravoure et dévouement il y a si peu de temps ?
    Vous vous battez pour défendre votre vocation et l’humanité des soins.
    Vous avez tout mon soutien Élodie.

    1. Madame , je ne veux pas vous décevoir mais monsieur macron et son gouvernement se fiche complètement de votre situation et celles d’autres qui sont comme vous . Le problème c’est eux , c’est à cause d’eux si une majeure partie des français ne s’en sortent plus , je suis désolé pour vous , j’espère que votre cas s’arrangera , salutations

  5. Malheureusement, je ne suis pas certaine qu’Emmanuel Macron, qui a ruiné et participé de manière catastrophique à l’état de délabrement de l’hôpital, et dont l’empathie semble très réduite, soit la meilleure personne à qui s’adresser. Tenez-bon, mais trouvez d’autres voies….

    1. Élodie,
      Je viens de te lire et je suis sidérée. Ton récit est édifiant !
      En effet, tu subis du harcèlement moral et jusque dans ta cellule familiale tu subis des violences psychologiques.
      A ce degré d’intensité c’est du sadisme.
      Aujourd’hui, avec toutes les actions que tu mènes et qui sont publiquement connues, le renvoie de cette DRH DEVRAIT ÊTRE ACTÉ.
      Les sanctions sévères contres ceux qui on obéis à ses ordres devraient également être décidées.
      Cette DRH est confortée dans ses actions car ses supérieurs la protègent. Et oui ! Ça s’appelle la validation silencieuse.
      Je comprends tout à fait ta détresse. Mais Élodie, tu es rentrée dans un combat qui est plus que toi. Ça s’appelle LA CAUSE. C’est noble et courageux de mener bataille. Ton combat sera long, mais tu vas aller l’arracher ta victoire.
      Ce que tu fais est grand et ça n’est pas donné à tout le monde d’affronter un système gangrené.
      Tu n’as rien fait de mal. Tu n’as rien à te reprocher.
      Tu n’en a pas encore conscience, mais ce que tu fais va permettre de mettre en place quelque chose de plus sain.
      Le combat est très long. Tu as beaucoup de soutien.
      Je t’encourage à aller jusqu’au bout de ta démarche et de toujours avancer.
      Élodie, je t’admire

  6. Lettre très explicite ! Pourquoi un tel acharnement sur cette infirmière ? Surtout ne lâchait rien. Pourquoi vos collègues ne vous soutiennent pas ?

  7. Elodie, à mon avis, tu aurais peut-être envoyer une copie de cette lettre à Brigitte Macron, du temps du président Mitterand, tu pouvais obtenir une réponse de Danièle Mitterand.

    1. Faut passer par les médias en l’occurrence Pascal Praud sur l’antenne cnews, lui il va faire bouger et des millions de spectateurs voir voir votre désarroi sur cette émission. C’est une honte.

  8. Ils ne vous méritent pas Elodie. Malheureusement, nous ne pouvons qu’être sidérés d’observer comment les ressources humaines (ne devraient on pas parler de ressources inhumaines ici et pour tout le personnel soignant d’ailleurs) traitent les employés: ils ne les considèrent pas comme leurs collègues aux vues de leurs agissements? Comment peuvent- ils travailler dans un établissement de santé en accordant aussi peu de valeur à la vie humaine et aux csqces de leurs actes? Certains de ceux- là ont un salaire, un poste et se contente d’exécuter pour fonctionner?
    Ne leur donner pas votre vie: d’autres ont besoin de vous et vous rendront plus sereine et heureuse en vous respectant? L hôpital est dirigé par des financiers depuis quelques années et nous ne pouvons que constater son démantèlement depuis; la logique économique malheureusement est devenue le critère principal de prise de décisions!

  9. J ai rencontré le même problème avec ma direction
    Je suis infirmière et me suis retrouvée en épuisement physique et moral pendant la.ceise covid
    Mon médecin a demandé un arrêt longue maladie
    La visite chez l.expert pour constaté à été prise par l établissement hors des délais requis par la loi
    Ils m ont donc positionnée en demi traitement ce qui a aggravé mon état
    Ils m ont poussé ainsi à prendre ma retraite après 39 ans de carrière dans des services de pool mettant adaptée à 50 services différents
    L hopital réfute l avis de l expert qui c
    Préconisait un arrêt longue maladie puis longue duree
    Apparemment des administratifs sont plis capables de juger de votre état de santé que votre médecin traitant votre psychiatre et l expert
    Je précise que ces faits ce sont produits à partir d avril 2020 et qu à ce jour je suis toujours sous traitement antidépresseur après avoir pris ma retraite en novembre 2021

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