Bas les masques…

SORTIR L’HÔPITAL DE LA LOI DU MARCHE, SAUVER LE SERVICE PUBLIC

Introduction au Comité Technique d’Etablissement du CHU de Toulouse du 27 avril 2020

40 ans d’incurie des politiques néo-libérales successives n’ont cessé de détruire ce que l’on érigeait en modèle, le système de santé français. Baptisée « Macronavirus » par Charlie Hebdo cette crise révèle toutes les contradictions et dysfonctionnements des structures sanitaires pour répondre à une pandémie d’ampleur en lien avec l’austérité, la marchandisation de l’humain, la logique du zéro stock. L’abandon par la France de la protection sociale (que pourtant riche ou pauvre appelle dans ce difficile moment) et l’abandon de la notion de santé publique sont une ineptie alors que la santé réapparaît comme fondement de l’économie. Force est de constater que l’intelligence collective sous forme d’une formidable solidarité et de l’abnégation de tous les personnels des établissements de santé, a permis de palier les insuffisances des décideurs et de sauver des vies. L’échec des politiques néo-libérales est ici patent et le confinement des corps n’en est que la triste traduction. Cette ultime assignation à résidence et la fabrication permanente de normes de soi-disant protection donnent au gouvernement l’illusion d’une gestion maîtrisée… Pourtant nous expérimentons une simple gestion de la pénurie des lits, des personnels, des masques, des respirateurs, des médicaments… l’absence d’une véritable politique de prévention (y compris pour tous les personnels du secteur sanitaire) au profit d’une logique qui reste financière. Ce gouvernement et tous ceux qui le servent profitent même de la crise économique réelle pour accélérer la mise en œuvre de « réformes dites progressistes » pour consacrer les intérêts privés au détriment de l’intérêt général et de nos libertés fondamentales à la manière de la gestion de la peste qui a permis d’installer un pouvoir disciplinaire tel que Foucault l’a décrit. Pendant que Pékin attribue des bonnes notes aux comportements de sa population, Moscou affine sa technologie et Paris rêve de rester dans la cour des grands pendant que Mr Trump s’improvise apprenti sorcier. Le mépris des petites gens et l’arrogance des dominants s’est exprimé dans le discours guerrier du président de la république. En faisant des soignants et des travailleurs de l’ombre, mal traités, mal payés, matraqués, réprimés…, les héros d’une guerre, le président Macron s’arroge le droit non seulement de les priver de protection pour aller au front, de leur faire renoncer à leur éthique pour camoufler l’indigence de ses décisions et des stocks mais les condamne à porter le masque à la manière d’un bâillon pour ne pas décevoir tous ceux qui les érigent en héros. Ils sont remerciés par des applaudissements et assistent à la mise en place du salaire au mérite, peut être aussi d’une médaille.

Malheureusement, beaucoup d’entre nous ont été touché par le COVID 19 et ont subi la souffrance, l’angoisse de la mort ou de la contamination des proches sans pouvoir bénéficier de tests ou d’un suivi digne de ce nom.

Si dans le discours de Mr Macron et dans les représentations de nombreux français les hôpitaux,  les soignants se résument au binôme médecin/infirmier (en première ligne certes mais pas les seuls et pourtant seuls concernés par la prime), tous les personnels qui leur permettent de soigner ne sont pas pour autant des « sous-traitants » même s’ils sont sous payés. Que serait une prise en charge d’un patient sans les aides-soignants pour garantir un soin global, sans les ASH pour assurer l’hygiène, sans les logisticiens pour approvisionner les services en médicaments et autres produits, transporter les prélèvements, sans les techniciens de laboratoire pour les réaliser, sans les cuisiniers pour restaurer les patients et les personnels, sans les brancardiers/ambulanciers pour les transporter, sans les manipulateurs de radiologie pour faire toutes les imageries, sans les personnels des services techniques/bio-médicaux pour assurer tous les travaux ou les maintenances des matériels et sans oublier tous les paramédicaux (kiné, ergothérapeutes, diététiciens, assistants du service social…), les psychologues les personnels administratifs pour la gestion, l’accueil, les courriers et sans l’encadrement dont la position est toujours plus inconfortable… L’hôpital est une formidable chaîne de solidarité où les uns ne sont rien sans les autres. Depuis quelques années, le recrutement de managers ignorants du service public et de l’humain, formés à la logique commerciale (recrutés chez carrefour, décathlon, pimkie… formatés à HEC ou sciences po…) permet d’organiser froidement la privatisation de la santé et leur plan de carrière. Cette pandémie est d’ailleurs un révélateur des différences entre des cadres de santé qui se démènent pour soutenir leurs agents et assurer la qualité des soins et les autres obnubilés par les économies dictées par l’austérité au prix de pressions incessantes sur les personnels engagés dans cet effort collectif. Nous rappellerons que notre précédent directeur général était préalablement en charge de la santé au cabinet de Marisol Touraine avant de repartir comme directeur de cabinet d’Agnès Buzyn et maintenant d’Olivier Veran.

Nous ne cautionnerons pas ce gouvernement d’apprentis sorciers qui entend dresser les corps par des pseudos expertises pour mieux sacrifier l’intérêt général à l’intérêt particulier, au prix d’une surexploitation de la force de travail versus l’abandon du plus grand nombre au détriment d’une force collective et intelligente de démocratie sanitaire, sociale et environnementale pour relever les enjeux économiques et politiques.

Sur un plan de politique générale, nous en appelons :

  • à un grand service public de santé et d’action sociale non régi par la loi du marché et le management industriel
  • au respect de l’environnement pour l’humanité
  • au respect des libertés en mettant fin au confinement, aux répressions sous toutes leurs formes
  • à la démocratie sanitaire par une délibération collective pour construire une alternative au néo-libéralisme
  • à des moyens pérennes pour la protection sociale et l’exercice de la solidarité
  • à l’annulation de la réforme du chômage
  • à la création monétaire contre la dette
  • à la déclaration de catastrophe sanitaire
  • à l’interdiction de versement de dividendes aux actionnaires

au plan du CHUT

  • la mise en place du principe de précaution par une véritable politique de prévention du risque et dans le respect des professionnels :
    • protection de tous les personnels à risque sans argutie pour maintenir en poste le plus grand nombre
    • et par des EPI garantissant leur protection sans création aléatoire des normes (FFP2, protections oculaires, sur-blouses, charlottes, surchaussures)
    • par la constitution de stocks tactiques
  • une gestion de la crise incluant les membres du CHSCT dans son organisation quotidienne
  • la mise en place de tests massifs pour une réelle prévention des agents et leurs proches et des patients
  • à la reconnaissance de la maladie professionnelle pour tous les personnels
  • au respect de la réglementation du travail
  • l’annulation du COPERMO traduction des logiques de rentabilité, induit par le déficit construit par les politiques de santé.

Parce que le personnel soignant subit un lourd tribut dans cette crise en sacrifiant sa protection mais surtout sa vie, ses proches pour palier l’impuissance publique, nous demandons une minute de silence pour tous nos collègues décédés durant cette triste crise sanitaire.

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