Cette très large étude internationale menée auprès de plus de 400.000 patients opérés dans 300 hôpitaux de 9 pays européens ne devrait pas laisser de marbre les décideurs politiques qui recherchent à tous crins, l’efficience voire la réduction pure et simple des dépenses de santé. Car l’une des conséquences, en secteur hospitalier, des mesures d’austérité, est l’augmentation de la charge de travail des infirmières qui entraîne immanquablement une augmentation des taux de décès des patients hospitalisés. Les conclusions, publiées dans le Lancet, rappellent tout simplement l’importance, pour maintenir la qualité des soins, de la dotation en personnel et de sa qualification.
Les chercheurs de l’école Infirmière de l’Université de Pennsylvanie (Philadelphie), de l’Université de Louvain (Belgique) et de l’Université de Southampton (UK) en collaboration avec de nombreux autres instituts de recherche européens, ont mené cette étude (RN4CAST) pour éclairer la prise de décision concernant l’organisation des soins infirmiers, dans le cadre de la gestion des dépenses hospitalières. Les chercheurs ont évalué comment l’évolution du ratio infirmières/patient et des qualifications du personnel infirmier pouvait être associée à l’évolution de la variation de la mortalité à l’hôpital, après intervention chirurgicale courante.
Les chercheurs ont analysé les données de 422.730 patients âgés de 50 ans ou plus pour estimer le taux de mortalité à 30 jours. Les rapports de 26.516 infirmières et infirmiers ont été analysés pour mesurer la dotation en personnel infirmier et la formation des infirmières. Les conclusions de l’analyse sont claires :
- Le nombre de décès dans les 30 jours suivant l’admission reste faible en moyenne : de 1 à 1,5%, selon les pays,
- au sein d’un même pays, ce taux de mortalité peut varier considérablement de < 1% à > 7%,
- Toute augmentation de la charge de travail infirmier par patient augmente le risque de décès du patient de 7%, dans les 30 jours suivant son admission de 7% (OR : 1,068),
- chaque augmentation de 10 % du niveau de qualification moyen du personnel infirmier est associée à une diminution de ce risque de 7% (OR : 0,929).
Des données qui impliquent, en pratique, que le risque de patients soignés dans des hôpitaux dotés de personnels infirmiers titulaire d’un équivalent licence à 60 % et de manière à ce qu’un infirmier soigne 6 patients en moyenne, serait réduit de 30% vs à un hôpital où seuls 30% des personnels seraient diplômés d’un équivalent licence et où chaque infirmier serait en charge de 8 patients.
Conclusion, les réductions de personnels infirmiers qui visent à économiser sont clairement néfastes aux patients. Anne Marie Rafferty, professeur à la Florence Nightingale School de soins infirmiers du King College de Londres, co-auteur de l’étude, confirme: « L’hypothèse selon laquelle la dotation en personnel infirmier peut être réduite pour faire des économies et sans nuire aux patients est au mieux stupide et au pire fatale ». L’étude montre également l’importance de la qualification des infirmières et rappelle l’importance de la formation infirmière pour la qualité des soins.
Source: The Lancet February 26, 2014 doi:10.1016/S0140-6736(13)62631-8 Nurse staffing and education and hospital mortality in nine European countries: a retrospective observational study (Visuel NHS)
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