Source : l’humanité.fr
Alors que les entretiens annuels, quasi généralisés dans les entreprises, vont se multiplier en janvier, les méthodes d’évaluation des salariés sont parfois contestées, notamment pour leurs effets sur le stress.
Les recours de salariés ou syndicats sont fréquents. Ainsi au tribunal de grande instance (TGI) de Toulouse le 6 janvier, la CGT d’Airbus va demander la suppression des critères comportementaux et d’adhésion à des valeurs, telles que « agir avec courage » ou « promouvoir l’innovation ».« Depuis l’application de ces critères à l’ensemble des cadres il y a un an, nous constatons leurs effets pervers – copinage, individualisme – et la désagrégation de l’entreprise », affirme le délégué CGT Xavier Petrachi.
A Grenoble, doit être jugé prochainement le recours du comité d’hygiène et de sécurité (CHSCT) de Hewlett-Packard CCF, qui dénonce l’application de quotas classant les salariés par catégories (des sur-performants aux insuffisants).
Déjà en 2002, la révélation de quotas chez HP et IBM avait fait grand bruit.
« Depuis la crise économique, dans plusieurs sociétés les quotas des notes les plus basses ont augmenté, pour freiner les augmentations de salaires« , remarque Guy Benoist (CFTC d’HP).
L’évaluation a gagné quasiment toutes les entreprises et les administrations. Depuis les années 1990-2000, sous l’influence des pratiques américaines, « cela n’est plus une discussion de fin d’année entre deux portes, l’entretien est un élément essentiel d’un bon management… même si tout ne doit pas reposer sur ce moment-là« , considère Michel Yahiel, de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines.
Des deux côtés, il y a une demande. Selon l’avocat en droit social Pascal Lagoutte, « malgré la passion égalitaire en France, les salariés aspirent à ce que soit pris en compte leur talent personnel, ce qui passe par l’évaluation« .
Côté employeurs, elle sert à mesurer l’atteinte d’objectifs, à gérer des carrières, et surtout à fixer la part salariale variable, dans un contexte d’individualisation des rémunérations. De plus, les fiches d’évaluation peuvent être utilisées en cas de plan social pour licencier ceux considérés comme les moins compétents.
Or les syndicats contestent non pas le principe de l’évaluation, mais les méthodes employées. « Si c’est le travail fourni qui est évalué, c’est bien normal. Mais il y a de plus en plus de subjectif, correspondant à des théories à la mode mais n’ayant pas fait leur preuve« , estime Bernard Salengro (CFE-CGC), qui pense que cela accentue le stress au travail.
« Depuis trois-quatre ans, la +performance+ est recherchée, et non plus la compétence. Les entreprises distinguent les meilleurs salariés par leur attitude dans l’atteinte voire le dépassement de résultats« , observe Pascal Huard de l’Isast, cabinet spécialisé en santé au travail.
Isast mène des expertises pour des CHSCT, en mesurant l’impact des évaluations, avec des indicateurs comme les troubles du sommeil ou d’alimentation avant et après entretien.
Les premières actions en justice sur le terrain de la santé des salariés n’ont cependant pas toujours été un succès.
En 2008 le dispositif de Wolters-Kluwer (édition) a été déclaré illicite au motif notamment que « la multiplication de critères comportementaux » impliquait une « insécurité », préjudiciable à la « santé mentale ».
Mais en octobre dernier, le TGI de Versailles a jugé que le stress généré par l’évaluation chez General Electric Medical Systems n’était pas nécessairement supérieur au stress d’autres rendez-vous professionnels. Le CHSCT a fait appel.