Le 11 février 1951, Ambroise Croizat décédait

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– Mediapart.fr

Il y a 67 ans jour pour jour, Ambroise Croizat, le père de notre régime général de la sécurité sociale décédait. Il laisse derrière lui un héritage révolutionnaire qu’il faut défendre et qu’il faut continuer. Oui, avec la voie ouverte par Croizat et la CGT, ils nous faut nous émanciper de la violence capitaliste. Merci Monsieur Ambroise Croizat !Qui connaît encore Ambroise Croizat ?

Essayez une expérience. Allez dans la rue et demandez aux passants qui est Ambroise Croizat. Beaucoup ne pourront pas vous répondre. Comment est-ce possible ? Pourquoi cet homme est-il oublié des livres d’histoire ? Pourquoi son œuvre n’est-elle pas étudiée ? Pourquoi sa mémoire n’est-elle pas honorée ? Parce qu’il est communiste ? Ou parce qu’il a mis en place une institution anticapitaliste de gestion communiste ? Il est pourtant l’homme qui permet aux soignants, aux parents, aux chômeurs, aux accidentés du travail, aux handicapés, aux malades d’avoir un salaire pour vivre en dehors de l’économie de marché. C’est pourtant l’homme qui a reçu un des plus grands hommages de toute l’histoire française : 1 million de personnes se sont déplacées sous une pluie torrentielle. Un hommage digne de celui de Victor Hugo. Si ce n’est pour ce dernier homme cité, jamais autant de personnes ne se sont déplacées pour rendre un tel hommage, alors pourquoi Ambroise est-il tombé dans l’oubli ?

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Ambroise Croizat, qui êtes-vous ?

Avant de vous parler de son œuvre révolutionnaire, laissez moi vous présenter rapidement l’homme. Ambroise est né le 28 janvier 1901, fils d’ouvrier et d’employée. Comme beaucoup d’enfants de son époque, il travaille à l’usine à l’âge de 13 ans dans la métallurgie.

En 1920, le Parti Communiste se crée en France et Ambroise s’y inscrit dés son ouverture. Il devient un militant convaincu du projet communiste et deviendra l’un des dirigeants des Jeunesses communistes entre 1920 et 1928. Il sera membre du bureau de la Fédération de la Jeunesse jusqu’à son décès. C’est en 1936 qu’il devient secrétaire général de la Fédération Unique de métallurgiste CGT, qui regroupe à l’époque 20 % de l’effectif du syndicat. Cette même année, il participera aux conquêtes sociales qui amèneront les congés payés, la semaine de 40 heures et la loi dont il est l’auteur sur les conventions collectives.

Mais la deuxième guerre mondiale approche et les communistes sont arrêtés et condamnés à la prison pour la seule et unique raison qu’ils sont communistes. Ambroise est condamné à 5 ans de prison et après avoir transité dans 14 prisons les fers aux pieds, il finira emprisonné à Alger. L’Algérie est libéré très tôt par l’intervention américaine, et c’est pendant ces années de résistance à Alger avec d’autres camarades que va mûrir l’idée d’un système de protection sociale novateur et révolutionnaire. A la Libération, il devient ministre du Travail de 1945 à 1947 et pendant ces 2 ans, il construira cette institution qui rend la France si unique dans le monde entier.

 

L’œuvre d’Ambroise Croizat            

Les ordonnances de 45 créent le Régime Général de la Sécurité Sociale. Il permet de socialiser une partie de la richesse produite annuellement (PIB), soit 20 % (480 milliards d’euros), afin d’être distribuée aux soignants, aux malades, aux chômeurs, aux retraités, aux parents.

Mais attention au mensonge construit par la classe dominante que l’on a tous intériorisé. Ce mensonge sur la création du Régime Général répété dans les universités et également dans certains syndicats qui est celui-ci :

  • Le Régime Général n’est qu’un organisme de solidarité entre les actifs et les inactifs
  • Le Régime Général n’est qu’une légitimation du capitalisme que le patronat a accepté volontier, décrédibilisé par sa collaboration avec les nazis.

Le but de ce mensonge est de dénaturer la subversion engagée d’Ambroise Croizat.

Alors d’une part, le Régime Général n’est pas qu’une institution de solidarité de ceux qui travaillent vers ceux qui ne travaillent pas ou plus. Le Régime est révolutionnaire car il crée une valeur économique alternative à la valeur capitaliste. Il socialise 500 milliards notamment par la cotisation pour les répartir vers différentes caisses qui elles, donneront un salaire aux soignants, aux retraités, aux parents… C’est à dire que ces personnes ont un salaire qui reconnaît un travail qui n’est pas sur le marché de l’emploi ! Les capitalistes n’ont aucune prise sur cette richesse.

Avec Croizat, une retraite n’est pas le droit d’avoir une pension qui reconnaît que l’on a travaillé auparavant, mais c’est le droit d’avoir un salaire qui reconnaît un travail quotidien, une production de valeur d’usage sans être sur le marché du travail. Idem pour les familles, les allocations familiales étaient appelées « sur-salaire » et constituées jusqu’à 50 % des revenus des ménages en 1945. C’est la reconnaissance du travail d’éducation des parents sans qu’ils le fassent sur le marché capitaliste.

Croizat sort donc le salaire de l’emploi, c’est à dire qu’il considère que les cotisations versées ne sont pas des aides, mais bel et bien du salaire et invente donc une autre reconnaissance du travail. Il ne suffit pas d’avoir un emploi pour avoir le droit à un salaire. Pourquoi si j’élève mon enfant, on me dit que je ne travaille pas alors que si c’est une auxiliaire qui le fait, cela devient du travail ? On se rend compte que la définition du travail capitaliste, ce n’est pas ce que l’on fait, mais c’est dans l’institution dans laquelle on le fait. Croizat change cette définition. Il reconnaît le travail quotidien en dehors du marché de l’emploi. La révolution de Croizat, c’est qu’il change la définition du travail. Ambroise a ouvert la voie de l’émancipation du modèle capitaliste.

La deuxième chose est « le patronat a accepté le régime car il était décrédibilisé par son collaborationnisme nazi ».

Non ! Le patronat n’était pas à genoux, il était omniprésent dans tous les partis du gouvernement de 1945 (Gaullistes, le SFIO, le MRP… ). Ils se sont tous accordés sur la continuité de l’interdiction des augmentations de salaire. Mais le PC gagne les élections législatives de 1945 avec 26 % des voix. Avec 5 ministres communistes au pouvoir dont Croizat et 5 millions d’adhérents à la CGT, le patronat tremble et organise la pénurie avec les députés non communistes ; l’interdiction de hausse des salaires avec augmentation des prix. Le pouvoir d’achat en 1947 est inférieur à celui de 1944. La classe dominante attend que les ouvriers se retournent contre la CGT et le PC. Mais l’intelligence de Croizat est prodigieuse. Il va contourner l’interdiction de valorisation salariale en doublant les allocations familiales, puis il introduit les 50 % pour les heures supplémentaires. Il supprime également la décote de 10 % sur les salaires féminins. Avant Croizat, une femme pour le même poste qu’un homme avec la même qualification perdait automatiquement 10 % de salaire. Croizat engendre une victoire de plus !

Puis en décembre 1946, les ministres communistes sont éliminés et Croizat partira en mai 47. C’est la fin de la participation communiste au gouvernement. Pour ce qui est de l’affaiblissement de la puissance de la CGT, c’est la CIA qui va s’en charger en organisant la scission de la CGT en 1947 avec l’aide du syndicaliste américain Irving Brown, pour créer Force ouvrière, afin de lutter contre les communistes. En effet, la CGT remettait en cause le Plan Marshall, la construction européenne et le statut du producteur avec le régime général de la sécurité sociale.

En conclusion, entre 1945 et 1947, 5 ministres communistes ont été suffisants pour révolutionner notre système social et de santé sur un mode de gestion communiste avec un salaire à vie, la co-propriété d’usage, le financement par l’investissement et tout cela avec une gestion ouvrière. Entre 1945 et 1960, le Régime était géré par 3/4 de salariés et 1/4 de patrons. De Gaulle qui a toujours été contre le programme social du Conseil National de la Résistance et du Régime Général de la sécurité sociale, détruira la démocratie sociale du Régime Général notamment en 1967 en confiant sa gestion au patronat.

Ambroise Croizat décédera en 1950 rongé par un cancer des poumons. Militant dans l’âme, ses derniers mots à l’assemblée seront « Jamais nous ne tolérerons que soit mis en péril un seul des avantages de la Sécurité sociale. Nous défendrons à en mourir et avec la dernière énergie cette loi humaine et de progrès ».

 

Et aujourd’hui ?

Depuis les années 80, les gouvernements successifs essaient de casser morceau par morceau la construction d’Ambroise Croizat, que ce soit l’UMP/LR ou le PS qui est le plus destructeur. Oui, le PS est le plus grand danger pour nos conquêtes sociales et ce sont ces derniers qui ont été le plus loin dans leurs démantèlements. Ambroise Croizat, que l’on appelait le ministre des travailleurs, était également le ministre de la subversion, de la solidarité, du courage. Il faut défendre ce qu’il a construit avec ses camarades de la CGT. Croizat est celui qui permet encore aujourd’hui aux chômeurs, aux parents, aux handicapés, aux malades, aux soignants, aux retraités de pouvoir vivre par la cotisation. La cotisation aujourd’hui détruite par les réformateurs de droite comme de gauche.
Merci Ambroise, merci ceux qui ont continué son combat. A nous maintenant de continuer la lutte.

La voie est toute tracée par le Régime Général de la sécurité sociale, cette institution de subversion communiste pour que comme le disait Croizat : « Mettre définitivement l’homme à l’abri du besoin, en finir avec la souffrance et les angoisses du lendemain… La sécurité sociale est la seule création de richesse sans capital. La seule qui ne va pas dans la poche des actionnaires mais est directement investie pour le bien-être de nos citoyens. Faire appel au budget des contribuables pour la financer serait subordonner l’efficacité de la politique sociale à des considérations purement financières. Ce que nous refusons. »

 

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Ce qu’il a fait :

la généralisation des retraites

un système de prestations familiales unique

Augmentation des allocations familiales

Suppression de l’inégalité salariale des femmes au poste pour la même qualification

Conventions Collectives

Participation au congés payés

les comités d’entreprise, la formation professionnelle,

la médecine du travail,

le statut des mineurs, des électriciens et gaziers,

la prévention dans l’entreprise,

la reconnaissance des maladies professionnelles,

Amélioration du Code du Travail,

la caisse d’intempérie du bâtiment,

la loi sur les heures supplémentaires

Donner un salaire sans être sur le marché de l’emploi (détachement du salaire de l’emploi)

  • « Ne parlez pas d’acquis sociaux, parlez de conquis sociaux, parce que le patronat ne désarme jamais » Ambroise Croizat

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